Des fêtes et des défaites

 C’est la trêve des confiseurs. Une semaine irréelle entre deux réveillons. Comme un voyage en train entre deux lieux. Une espèce de no mans land. Le temps s’étire, suspend son vol. Les fêtes marquent la fin de l’année et nous renvoient inévitablement à notre enfance et exacerbent nos émotions.

Pour certains, Noël est l’occasion annuelle de célébrer la famille, l’esprit du clan : une tablée harmonieuse, la dinde goûteuse, les cadeaux délicatement choisis, les enfants radieux, les rituels incontournables. Même si, par moment, ils ont peut-être rongé leurs freins, fait bonne figure, pris de la distance, se sont réfugiés dans leur bulle pour « supporter ».  En tous cas, ils ont évité les sujets qui fâchent, se contentant de parler de la pluie et du beau temps, et se sont placés à l’autre bout de la table pour fuir la « tante catho, donneuse de leçons ».

Les plus zen ont décidé de vivre Noël plutôt en conscience, de savourer l’instant présent, de s’attarder sur les moments positifs, de créer du merveilleux. La fameuse « magie de Noël ». Au nom d’un désir d’harmonie, ils ont orchestré les réjouissances, accordé un temps d’écoute et de parole à chacun, ont trouvé « le » présent adapté, déclaré sincèrement leur amour et pris les invités dans les bras. Rien de tel qu’un câlin pour resserrer les liens !

Pour d’autres, Noël est l’heure des bilans, des regrets, des frustrations, des règlements de comptes. -Je repense toujours au film « Conte de Noël » d’Arnaud Despléchin, si juste. – Ils ont ruminé leurs déceptions, l’absence d’un être cher, les reproches de l’oncle un peu éméché ou la réitération des conflits parentaux. Ils ont explosé, pété les plombs et déterré les « secrets de famille ».

Peut-être même souffrent – ils de natalophobie (phobie de noël) ? Cette anxiété se manifeste par un sentiment de solitude, de différence, de tristesse, même s’ils sont entourés ; le retour  de mauvais souvenirs : les retrouvailles ravivent les rancoeurs ou les blessures passées (mort d’un parent, divorce…). Sur un prétexte anodin, souvent matériel, « Tu n’as pas apporté la bûche », « l’année prochaine, ce ne sera pas chez moi », les disputes éclatent. Pour « tenir le coup », ils ont bu, mangé et fumé excessivement. Finissant par s’endormir sur un coin de table ou s’enfuyant en claquant la porte.

Si vraiment les fêtes sont un supplice, demandons-nous « Sommes-nous obligés de nous infliger ces traditions ? De supporter les injonctions de la société ou de la religion ? De partager un repas avec des personnes qui nous font mourir d’ennui, n’adhèrent pas à nos opinions, nos valeurs, nous jugent, nous agressent, nous jalousent ? » Nous pouvons aussi choisir d’inventer nos propres fêtes, à notre image, avec des convives triés sur le volet. Des fêtes inspirantes, justes, sincères qui nous remplissent d’énergie au lieu d’alourdir notre cœur.

Les conseils pour le prochain réveillon

  •  Si la solitude vous pèse, essayez de vous entourer. Il y a peut- être un voisin qui serait heureux de trinquer avec vous ou proposez vos services dans une association de quartier. Sinon, profitez de ce moment pour vous choyer (une coupe de champagne, un bon bain…).
  • Si vous voulez échapper aux traditions familiales, changez de cadre (voyage, séjour au ski…), sans culpabilité.
  • Si vous choisissez de participer aux réjouissances, ne vous plaignez pas…apprenez à donner des signes de reconnaissance à chacun et à en recevoir. Transformez le fardeau en cadeau !
  • Si vous avez l’habitude de mettre la barre trop haut, recherchez désormais la beauté nichée dans l’imperfection.  Les « perfectionnistes » aimeraient que les fêtes se déroulent idéalement et râlent car elles ne sont forcément jamais « à la hauteur ».
  • Si vous ne vous sentez pas respectés, fixez des limites et dites stop de façon « amicale » aux réflexions désobligeantes. C’est trop insupportable ? Barrez-vous !