La créa thérapie : le droit à la liberté

flyer elles okEtre intégratif, c’est être créatif. Proposition réflexive: être créatif, c’est aussi être intégratif: l’art-thérapie (que je préfère appeler créa-thérapie) intègre plusieurs méthodes ou écoles de pensées. Les unes enrichissant les autres.

Dans l’atelier mensuel de développement pour les femmes que je co-anime, nous proposons aux participantes de se libérer à travers la parole, l’expression corporelle (relaxation, méditation, danse thérapie, psychodrame) et l’art-thérapie.

La « production » de chaque participante peut être lue comme un portrait de la psyché. C’est le concept même de projection: la « patiente » projette symboliquement ses fantasmes, émotions, préoccupations, besoins, conflits. « L’oeuvre » lui parle d’elle. Un langage à part entière. L’inconscient a beaucoup d’imagination. Nous incitons ainsi la personne à créer et à analyser ensuite ce qu’elle voit dans son « œuvre ». Conscientiser pour permettre la levée du refoulement. Le mettre en mots. Evidemment, le transfert joue à fond: transfert sur le thérapeute mais aussi transfert sur le support qui participe du traitement.

Lapsus créatifs

Chaque élément d’une peinture, d’un masque, d’un poème fait sens. Ils peuvent être considérés comme de véritables lapsus créatifs: un trait de crayon involontaire, un espace vide, une hésitation du geste. Ils permettent alors de déclencher l’introspection. Nous invitons les participantes à associer librement. Les émotions qui surgissent les aident à explorer un élément de leur vie psychique.

Dans une perspective jungienne, le symbolisme de l’image participe aux processus inconscients de la « patiente ». Elle la met également en mouvement. Son imaginaire est mobilisé par la création qui la rend responsable de son propre cheminement. Dans  » la guérison psychologique », Jung affirme que seule la personne a le pouvoir de se guérir. Elle est donc autonome, au centre de sa propre expérience. C’est elle qui est active et interprète son oeuvre, subjective par essence.

La transformation de la patiente

De même, dans l’approche gestaltiste, l’individu prend en charge sa propre expérience, ici et maintenant. De la création « artistique » à la création de soi, il n’y a qu’un pas. En prenant la responsabilité de ce qu’il crée, la patiente prend la responsabilité de son avenir. La transformation effectuée pendant, dans et sur « l’oeuvre » préfigure métaphoriquement la transformation de la « patiente ».

La créa-thérapie, laboratoire de la liberté

Dans la vie, nous rencontrons parfois des personnes qui se prennent pour des artistes alors qu’elles ne sont que créatives. Leur force: une grande confiance en elle, du moins en apparence, peu de pensées limitantes (et souvent un ego démesuré). Une mise en avant de la « persona ». A contrario, la grande majorité de mes « patientes » n’a pas été éduquée à générer mais à gérer et même plutôt à subir. La non – reconnaissance des potentiels en milieu scolaire et professionnel annihilent les talents. Telle cette patiente, architecte, qui a passé sa scolarité à être traitée de « cancre » par ses parents et ses professeurs, ou cette cadre qui n’arrive pas à prendre des risques de peur de perdre son emploi. Vous avez remarqué que dans nos sociétés seuls quelques-uns se réservent le droit d’innover ?

Or, la créa-thérapie offre justement un espace de liberté, de sécurité où valoriser sa propre personnalité. En toute égalité, sans considération hiérarchique ou sociale. Oser sans être jugé. Laisser (enfin) de côté l’efficacité. Place à l’audace ! La « patiente » retrouve le plaisir du geste. Le droit à l’exploration.

Le processus créatif est aussi important que le « produit fini »: il permet d’apprivoiser le moment présent, de renouer avec la sensorialité de la matière, des couleurs, des sons. La »patiente » agit sur son devenir. Le processus permet de modifier, enlever, ajouter, transformer les éléments. Cela favorise l’autonomie. Le droit de se transformer.

Pour découvrir le monde, l’enfant utilise tous ses sens, la fantaisie, la métaphore. Le tâtonnement, l’enchantement. Ses modes de pensées sont multiples. Loin de la pensée unique. Le passage de l’enfance au stade adulte oblige à délaisser le monde de l’imaginaire, du rêve, au profit de l’analyse et de la logique. Ainsi, en art-thérapie, la « patiente » doit réapprendre à jouer. Le droit à la naïveté.

En exprimant un problème par la création d’une image, d’une musique, d’une scène, d’un texte, la « patiente » va se donner les moyens de symboliser sans danger ses émotions intenses ou trop envahissantes. Par exemple, la fabrication d’un masque peut encourager l’expression de la colère pour mieux s’en libérer. Captée par le support artistique, elle est maintenue à distance. Elle permet de transformer des images traumatisantes en images plus positives. Apprendre le bonheur, restructurer son identité. Le droit à l’intégrité.

Au-delà de l’aspect extrêmement valorisant (la créa-thérapie booste la confiance en soi), c’est une reconquête. Le droit à la liberté.