Sélectionné au Festival de Berlin, Grand Prix au Festival de Sundance, six Ophirs (l’équivalent israélien des Césars), Tempête de sable est le premier film de la cinéaste israélienne Elite Zexer.
L’entame : une jeune fille voilée, Layla (Lamis Ammar) conduit une camionnette sous l’œil complice de son père, Soulimane, (Hitham Omari). On se demande d’ailleurs, s’il ne s’agit pas d’un couple. Ils rentrent chez eux, dans un village de bédouins, au sud d’Israël, à la frontière de la Jordanie. Aujourd’ hui, justement, Soulimane prend une deuxième épouse. Et ce n’est certainement pas innocent si on passe d’une scène père/ fille à une scène père/nouvelle femme, puis père/première femme.
Jalila, la première épouse, elle, ronge son frein. Elle s’affaire pourtant pour préserver la tradition mais aussi, sans doute, son rang social. Découvrant dans le même temps que Layla est amoureuse, elle va muer sa tristesse en colère. L’une est délaissée, l’autre, aimée. Une émotion peut en cacher une autre. Elle interdit à Layla de revoir le jeune homme et même d’aller à la fac. Par jalousie inconsciente ou par convention ? Peut-être, à contrario, pour protéger sa progéniture du courroux paternel.
Layla, elle, se rebelle. Tient à vivre sa vie. C’est le choc des cultures. L’impossible cohabitation. D’un côté cette communauté close sur ses névroses, de l’autre, l’extérieur, la modernité.
Les rapports entre la mère et la fille, violents, dans la rivalité, s’adoucissent, se nuancent au fil du récit. La matriarche autoritaire devient plus protectrice.
Douloureuse zone de confort
A l’inverse, le père révèle sa rigidité. S’il avait l’air assez permissif au début, il impose un époux à Layla, à son insu, sans état d’âme. « Quand te décideras-tu à faire ce que tu veux ? » lui suggère sa première épouse. Il se dit contraint de se conformer à l’ordre social. Il est indécis, fragile, passe de la résignation à la brutalité.
Est-ce par loyauté envers sa cellule familiale, par stratégie pour sauver sa mère, par peur de la liberté nouvelle, que Layla renonce à l’amour et se résigne à rester parmi les siens, dans une douloureuse zone de confort ?
Si le thème de la condition de la femme au Moyen-Orient n’est pas original en soit, il est traité avec beaucoup de subtilité, d’esthétisme, de sensibilité. Aucune interprétation, aucun bavardage, c’est au lecteur de choisir et ressentir les multiples facettes des personnages. Touchants dans leurs contradictions.