La thérapie permet de nous éclairer et de renforcer nos ressources mais aussi de nous aider à reconnaître et accepter nos ombres, ces parties de nous-même que, selon Jung, nous avons refoulées par souci d’adaptation.C’est la condition pour cheminer vers une meilleure connaissance de soi, un accroissement de l’estime de soi, développer notre spontanéité et notre élan vital, assainir nos relations sociales… Et si nous mettons cette « identité cachée » sous le tapis, l’Ombre ressurgit sous forme de dépression, maladies, addictions, perversions etc…
Jung distinguait trois instances dans notre personnalité : le Moi, la Persona et l’Ombre.
La Persona surgit avec le développement du sentiment de honte entre 3 et 6 ans, lorsque la maturité permet d’intégrer le point de vue de l’autre sur son propre comportement. Elle correspond aux aspects personnels de notre idéal du Moi (notre modèle intérieur idéalisé), aux aspects sociaux de cet idéal du Moi (qui résultent de notre éducation, des injonctions familiales), à l’idéal imposé par l’air du temps, véhiculé par exemple par les réseaux sociaux. Elle représente les comportements, les règles, la morale que nous décidons consciemment d’adopter. Le danger est de s’identifier complètement à notre Persona qui n’est en réalité qu’un fragment du Soi.
L’Ombre se crée en même temps que la Persona. Elle comprend tous les aspects de notre personnalité que nous jugeons inacceptables, inférieurs, inadaptés, répréhensibles au regard de l’image que nous voudrions avoir de nous-mêmes et que nous désirons offrir au monde. Dans l’ombre sont emprisonnés tout ce que nous n’avons pas choisi consciemment. Cependant, ambivalente par essence, l’ombre contient aussi d’authentiques pépites, un merveilleux potentiel, de belles qualités, une source d’énergie psychique souvent sacrifiés au profit de la persona.
La Persona et l’Ombre indissociables
Pour Jean Monbourquette, prêtre et psychologue canadien « Si l’ego (et la persona ?) est l’endroit conscient de la personne, l’ombre en est l’envers inconscient ». La nécessité de se bâtir un Moi social, la persona, entraîne automatiquement la formation de l’ombre. Robert Bly, auteur jungien, précise que « jusqu’à la trentaine, nous passons le plus clair de notre temps à décider quels aspects de nous-mêmes nous allons jeter dans notre sac à déchets, puis nous passons le reste de notre vie à tenter de les en retirer ». Cela explique sans doute pourquoi je reçois beaucoup de trentenaires, en recherche de sens.
L’intégration de l’ombre* fait partie du travail d’individuation élaboré par Jung. C’est un chemin vers le Soi, la liberté. Il procède en 4 étapes (la survie, la différenciation, la construction et l’harmonie). L’être devient un in-dividu, c’est-à-dire une unité autonome et indivisible.
Mireille Rosselet-Capt explique « La grande question est de savoir garder notre cap entre les deux écueils que constituent le défoulement et le refoulement afin de trouver le juste équilibre entre les exigences contradictoires de nos différentes tendances ».
Examiner nos projections
Déjà, concrètement et personnellement, comment apprivoiser, conscientiser son ombre, en assumer pleinement la responsabilité ? Comme chacun sait, ce que nous reprochons à autrui, ce que nous critiquons chez lui ou, au contraire, que nous admirons, parle précisément de notre propre ombre. Autrui est donc notre meilleur outil pour nous découvrir. Pour Jean Mombourquette, l’examen de nos projections est un procédé précis et efficace pour connaître les qualités et les traits de caractère qui manquent à notre croissance. Par exemple, je juge ma collègue hypocrite ? Je peux discerner aussi chez elle de la diplomatie. Et si cette qualité me manquait, justement, pour contrebalancer un aspect « ombreux » de mon tempérament ?
Nous pouvons également analyser les rêves (dans l’esprit de Jung, chaque personnage onirique représente une partie de l’ombre du rêveur),travailler sur l’enfant intérieur, dessiner des mandalas. Enfin, en groupe, j’invite les participants à « libérer leur clown ». Ces « exercices » s’inscrivent dans un long processus qui implique de la patience, du courage, de la confiance et un vrai lâcher – prise.
Une vie plus remplie, équilibrée et créative
En accueillant notre part d’ombre, en faisant l’expérience, en la métamorphosant, nous mènerons une vie plus remplie, équilibrée et créative. Les personnalités atypiques, en particulier, à la fois dans le « faux-self » par peur du rejet et à la fois en quête d’authenticité et de congruence, libèrent ainsi leurs talents et apprennent à vivre pleinement, en accord avec leurs valeurs.
*Il existe aussi une ombre familiale, institutionnelle, professionnelle, nationale.
Pour en savoir plus :
Jean Monbourquette « apprivoiser son ombre »
Mireille Rosselet-Capt découvrir et accueillir sa part d’ombre »
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