Sorry baby : vivre avec un trauma

Ce premier long-métrage d’Eva Victor (à la fois réalisatrice, scénariste et actrice principale) est délicat, pudique et réaliste. Sobre et minimaliste avec ses plans fixes, il oscille habilement entre comédie et tragédie.

Il s’ouvre sur les retrouvailles entre Agnès (Eva Victor elle-même) et sa meilleure amie, Lydie (solaire Naomi Ackie), dans la maison où elles ont été colocataires et où Agnès habite encore. Ensemble, elles se baladent, boivent des tisanes, se moquent des hommes. On note le décalage entre la vie bouillonnante de Lydie, épanouie dans sa relation homosexuelle, et celle d’Agnès, solitaire et isolée.

Difficile reconstruction

On comprend cet isolement plus tard : Agnes a été agressée par son directeur de thèse. Le scénario ne se focalise pas sur le viol mais sur la difficile reconstruction de l’héroïne, sans pathos. Le spectateur devient son complice. Loin des discours revendicatifs ou victimisants, des poncifs sur le sujet, il l’accompagne avec empathie dans son processus de guérison, dans son intimité. Entre force et sensibilité.

De la sidération à la honte

Agnes passe de la sidération (elle sort, hébétée de chez son agresseur, remet ses chaussures en oubliant de faire les lacets), à la honte. La forme épouse le propos : les ellipses formelles pourraient s’apparenter à l’amnésie traumatique, la narration non chronologique, découpée en 5 chapitres (« L’Année avec la Mauvaise Chose », « L’Année avec le Bon Sandwich ») fait écho au chaos mental, au cheminement intérieur de l’héroïne.

Puis, pour renouer sans doute avec la sensibilité, la sensualité, Agnès se laisse attendrir par un chat et l’adopte, se lâche dans les bras de son gentil voisin. Surtout, elle se confie à Lydie. Eloge de l’amitié, de la sororité : dire l’indicible permet de le conscientiser, être écouté, répare. Du rire aux larmes. Les deux amies manient l’humour et l’amour comme un rempart contre le désespoir et distillent de la joie dans le quotidien.

Lire aussi :  les traumas ( article de Psychologue.net)