N’est pas Mozart qui veut et cela tombe bien : la créativité ne se résume pas aux dons artistiques. Nous pouvons tous la développer, la muscler.
Etre créatif, en effet, c’est faire un pas de côté, sortir des sentiers battus. Aimer jouer, transgresser les codes, interroger l’ordre, s’ouvrir à l’inconnu, imaginer des liens entre des domaines apparemment distincts, trouver des solutions inédites à un problème, prendre le risque de se tromper ou de déplaire. C’est un état d’esprit, une posture intérieure, un supplément d’âme qui soulage, allège, console.
Dépasser nos souffrances
La créativité focalise notre attention, nous détourne de nos ruminations, de nos épreuves. Captivé (e) et concentré (e) sur la tâche à accomplir, propulsé (e) dans une autre dimension, vous transcenderez vos émotions douloureuses, dépasserez vos souffrances. Engagez votre corps, votre esprit, votre cœur !
Ainsi, jouer de la musique, chanter, danser, écrire, photographier mais aussi bricoler, cuisiner, tricoter, coudre peut durablement nous réparer. « Il est des expériences auxquelles on ne peut survivre (…). Si l’on continue cependant à vivre, ce n’est que par la grâce de l’écriture, qui, en l’objectivant, soulage cette tension sans bornes » disait Cioran*.
La catharsis, la sublimation
Déjà Aristote, observant les effets bénéfiques de la tragédie sur les spectateurs, avait élaboré la théorie de la catharsis. La psychanalyse freudienne évoque un processus psychique inconscient : la sublimation. Le patient détourne la libido, l’énergie sexuelle, de son but premier, la vie amoureuse, sur l’acte créatif.
Oser improviser
Le psychanalyste Winnicott a comparé avec humour la créativité à la cuisson de la saucisse. La créativité, selon lui, consiste à ne pas suivre une recette à la lettre mais à oser improviser, quitte à louper son plat. « Celui qui se soumet comme un esclave ne tire de l’expérience qu’un plus grand sentiment de dépendance par rapport à l’autorité, tandis que l’original se sent plus réel, il se surprend lui-même, par ce qui lui vient à l’esprit, pendant que les saucisses cuisent ». Ainsi, lorsque l’enfant a une mère suffisamment bonne -sécurisante sans être étouffante -, il développe sa capacité d’imagination et explore la liberté et le sentiment « d’exister de plein droit ». Il construit alors un « espace transitionnel » entre lui et le monde, dans lequel il peut réinventer les objets qui lui manquent naturellement (Le sein, puis le biberon). Cet espace devient progressivement l’espace des désirs, des rêves, de l’intériorité et de la créativité.
Laisser une trace
En « produisant » du beau ou de l’utile, nous espérons peut-être, au fond de nous, laisser une trace ? Car le geste créatif permet de nous consoler face à notre plus grande angoisse, la fin de l’existence, de nous réconcilier avec notre condition humaine, de nous donner l’illusion que nous sommes immortels.
Renouer avec la spontanéité
« Tous les enfants sont des artistes, le problème, c’est de le rester une fois adulte » disait Picasso. Nous sommes créatifs naturellement. Qui n’a pas inventé des histoires en jouant avec des poupées ou des petites voitures, en détournant des objets de leur fonction première ? Renouez avec votre spontanéité enfantine, acceptez de laisser émerger en vous quelque chose d’insolite, au risque d’être déstabilisé (e). Cela fait un bien fou !
Libérer nos qualités
Notre potentiel créatif est corrélé à notre développement psycho-affectif, notre environnement, nos croyances. L’aptitude à ressentir intensément les émotions joue également un rôle essentiel. Sensibilité, empathie, générosité, curiosité, altruisme, audace favorisent la créativité. Libérez et cultivez ces belles qualités dans votre métier, vos loisirs, vos relations ! Plus vous oserez vous lâcher, plus vous aurez confiance en vous et plus vous vous sentirez réconforté (e). Votre respiration se modifie, vous n’avez plus conscience du temps qui passe ? Savourez cet état de flow. Apaisement garanti. N’oubliez pas aussi de pratiquer la gratitude, d’honorer vos « œuvres », si modestes soient-elles.
Out of the box
Le créatif fait feu de tout bois Tout est prétexte à innover. Out of the box. Expérimentez ! Si, au travail, vous trouviez le courage de vous exposer à la critique en changeant certaines habitudes ? En amour, de surprendre l’autre ? De même, dans votre vie quotidienne, vous pouvez transformer un simple plat en fête des sens. Quelle joie de voir vos proches se lécher les babines ! Ainsi, la créativité favorise également le lien, répond à un besoin de reconnaissance.
Le do it your self
« Créer signifie que l’on n’est pas satisfait de ce qui existe déjà et que l’on aspire à mieux » affirme Jean Cottraux*. C’est sans doute la raison de l’engouement pour le do it your self, « je fabrique moi-même » mes vêtements, ma déco, mon savon… Au-delà de l’engagement écologique, voilà une jolie façon d’affirmer sa singularité, de se rassurer sur ses compétences ! A tester ?
L’observation et la ténacité
En s’entraînant à contacter ses richesses intérieures mais aussi en se nourrissant de l’extérieur, de l’air du temps, des autres, nous stimulons notre créativité. Observez ceux qui abordent le monde d’une manière originale ! Un mentor peut d’ailleurs vous aider à éclairer ou confirmer vos talents, vous pousser à dépasser vos limites.
Trouver l’inspiration
« Tout artiste est d’abord un artisan consciencieux » poursuit Jean Cottraux. C’est prouvé : de l’effort peut naître la créativité. Votre « production » ne jaillit pas dans l’instant ? Persévérez ! Restez à l’écoute, l’inspiration peut surgir de partout, au hasard d’une promenade, d’une discussion, de la pratique d’un sport… vous pouvez utiliser aussi des « déclencheurs » de créativité en vous projetant par exemple dans une image, en vous appuyant sur un texte existant et en changeant la fin, en imitant une peinture pour mieux vous en éloigner ensuite…Ajoutez à la ténacité un zeste de passion, d’ambition, de maîtrise de soi et d’optimisme et le tour est joué !
L’art d’être heureux
Un conseil : tâchez d’exploiter vos points forts plutôt que de vous focaliser sur vos faiblesses. La créativité provoque la production d’endorphines et donc un sentiment de plaisir. Pourquoi alors ne pas adopter la définition de Jean Cottraux pour qui la création est « l’art d’être heureux en inventant sa vie et son bonheur, jour après jour » ?
* Jean Cottraux, « A chacun sa créativité » (Odile jacob)
* Emil Cioran, « Sur les cimes du désespoir » (le livre de poche)
L’art-thérapie, la création de soi
« L’art est le plus court chemin de l’homme à l’homme » a écrit André Malraux. L’art-thérapie permet l’expression des émotions, des besoins, des conflits intérieurs, des angoisses, des deuils par l’intermédiaire d’un support artistique. Mettre en mots, en images, en sons, nos douleurs, nos désespoirs, nos traumatismes aide à leur cicatrisation. Il ne s’agit pas de « bien faire » mais juste d’éprouver du plaisir en cheminant sur le sentier de la création, et partant de la réhabilitation, sans se juger, sans espérer un « résultat » parfait.
L’image, le mouvement, le son créés sont considérés comme le miroir de la psyché. C’est le concept de projection dans la psychanalyse freudienne. Le psychiatre et psychanalyste suisse Carl Gustav Jung va même jusqu’à affirmer que la personne a le pouvoir de se guérir elle-même. L’art-thérapie la met en action, la responsabilise. Entre la création artistique et la création de soi, il n’y a qu’un pas.
Créer, c’est s’affranchir …
- Du regard des autres. Votre fantaisie, votre grain de folie dérangent vos collègues ? Cela leur appartient ! Au risque de faire des envieux, ne vous coupez pas de vos intuitions, de vos désirs, de votre gaieté, de votre formidable liberté. Ayez le courage d’être vous-même/m’aime !
- Du perfectionnisme. Vous avez peur de ne pas être assez doué ? Posez un acte, mettez-vous en mouvement, concrétisez vos idées pour vous rassurer. Si vous visez l’œuvre parfaite, vous risquez de procrastiner. Trop d’ambition nuit à l’action. Acceptez d’être imparfait, autorisez-vous les erreurs, les tâtonnements. Foncez, produisez…
- Des loyautés familiales. Vous avez un grand-père cuisinier et vous ne lui arrivez pas à la cheville ? Ou, au contraire, vous craignez de le dépasser ? Comparaison n’est pas raison. Prendre exemple sur nos aïeux, perpétuer leur art n’est pas leur faire de l’ombre.
- Des injonctions parentales. Vous avez entendu toute votre enfance votre mère dire que vous n’étiez pas « doué » ? Vous allez lui prouver qu’elle avait tort ! Demandez-vous : est-il préférable de me conformer aux opinions de mes proches ou de trouver mon « moi » véritable ?