Everybody knows d’Asghar Farhadi. On se croirait dans un Almodovar trop sage : même casting, même Espagne.
Laura (Penélope Cruz), exilée à Buenos – Aires, se rend avec ses deux enfants sur sa terre natale pour les noces de sa sœur. Les retrouvailles avec sa famille et avec Paco (Javier Bardem) – on comprend vite qu’il s’agit de son ex – sont simples et chaleureuses. Une parole, un regard et les liens se renouent naturellement.
L’amorce, muette, préfigure pourtant un drame. La fête qui suit est radieuse, ensoleillée. Le spectateur « vit » la séquence du mariage comme s’il y était. Rires, chants, danse. Une carte postale.
La jeune génération symptôme des fantômes des générations au-dessus
Et le drame, effectivement, arrive. Irène, fille de Laura, est kidnappée. Comme dans toute trame psychogénéalogique, la jeune génération est le symptôme des failles, des non-dits, des fantômes des générations au-dessus. Ce motif est récurrent dans la filmographie de Farhadi. On pense à Une séparation, Le passé.
Les secrets de famille éclatent au grand jour : le mari de Laura n’est pas le riche architecte fantasmé par ceux qui sont restés au pays, il est alcoolique, dépressif et au chômage. D’ailleurs, il n’est même pas le père de sa fille car le père, c’est Paco.Everybody Knows.
Névrose de classe ?
Paco ? L’anti-héros, le justicier qui va essayer de retrouver les rançonneurs ( pourquoi soupçonner d’abord ses ouvriers agricoles ?). Le dindon de la farce qui se sacrifie. Par loyauté envers sa fille biologique ? Par amour pour son ex, tout simplement ? Au nom d’une névrose de classe ? Il ne se sent pas forcément légitime socialement. D’ailleurs, le père de Laura lui rappelle qu’il est le fils de leur domestique et l’accuse même de spoliation.
Certes les thèmes sont galvaudés (l’argent qui envenime les relations, la filiation… ), les signifiants parfois grossiers (gros plan sur les chaussures pleines de boue de la présumée kidnappeuse), le scénario plus consensuel que dans les opus précédents mais, de révélations en fausses pistes, le cinéaste tricote quand même un thriller psychologique rythmé et habile.