Dépasser la frustration ?

La frustration est souvent liée à une impression d’injustice, de manque de contrôle, d’impuissance et  engendre la rage, l’impatience, la révolte, la jalousie, la tristesse… C’est le sentiment que nous éprouvons quand l’un de nos désirs n’est pas satisfait. C’est donc bien un besoin non satisfait qui nous indique vers quoi l’on désire aller.

David explique « Je n’aime pas ma  vie. Je n’ai jamais ce que je veux et mes attentes sont souvent déçus ». Il  fait porter la responsabilité de son bonheur aux autres.  En s’apitoyant sur son sort, en ne s’interrogeant pas sur ses besoins, il s’empêche de voir clairement la  situation, fait naître le doute qui empêche d’avancer, se victimise « Pourquoi les choses vont toujours mal ? ». Delphine consulte parce que sa famille en a marre de ses coups de gueule  « Je suis fatiguée de .ressentir autant de colère ! »

Frustré par le choix

Le perfectionniste, par exemple, est toujours frustré parce qu’il n’atteint jamais complètement son idéal. Ainsi, la frustration peut déboucher dans ce cas sur une mauvaise estime de soi. « Je ne suis pas à la hauteur ». Chez les hypersensibles/zèbres/surdoués/perfectionnistes, en outre, la pensée en arborescence induit beaucoup de choix possibles. S’engager dans une direction, c’est renoncer à une autre et cela peut être également source de frustration. Parfois, une partie de la personne croit qu’elle ne sera aimée et aimable que quand elle obtient ce qu’elle veut : « je suis ce que j’obtiens », « Je suis ce que je pense », » je suis ce que je veux », « je suis ce que je possède ». Cela peut même conduire à des attitudes addictives. Sur le perfectionnisme. ‘ Il faut réaliser que l’ hypersensible/surdoué/zèbre est particulièrement intolérant à la frustration. Il  s’ennuie vite y compris dans les relations sociales et amoureuses. Impatient, il est vite frustré si on ne le suit pas, ne le comprend pas.

La frustration est un moteur

La frustration est nécessaire pour faire la part des choses entre le principe de plaisir et le principe de réalité. Le bébé naît avec l’illusion de toute puissance. Il imagine que le monde gravite autour de lui. Il  est nombriliste ! Normal : lorsqu’il évolue dans une famille aimante, dès qu’il exprime son mécontentement, sa mère, « suffisamment bonne » (ou un substitut maternel) semble disponible à tout moment. Vers 3/4 ans, il comprend qu’il ne peut pas obtenir tout, tout de suite. Toute sa vie, l’ex-enfant garderait la nostalgie du contrôle absolu. A chaque fois qu’il se confronte à ses limites, il retrouve la douleur de ne pas être tout puissant. Une douleur  nécessaire ! 

Une attitude bienveillante mais ferme

C’est en  acceptant la frustration que nous intégrons peu à peu le monde qui  nous entoure. Si l’enfant cherche des limites, c’est pour être sécurisé, structuré, se construire. L’angoisse vient souvent d’un manque de conscience des limites, donc de sa propre identité. Mais attention, jusqu’à 4 ans, l’enfant n’a pas les capacités cérébrales pour affronter la frustration en toute sécurité. Le lobe frontal qui permet de « gérer » la frustration n’est pas mature.  Il est vite submergé par une tempête d’émotions, autant de réactions hormonales, qu’il ne peut pas maitriser et que l’on a longtemps pris pour du caprice. Par une attitude bienveillante mais ferme, les parents peuvent accompagner l’enfant afin qu’il établisse les connexions neuronales lui permettant de faire face à cette fameuse frustration, préconise Isabelle Fillozat.

Reconnaitre les besoins

Ainsi, s’il ne s’agit pas de se précipiter pour assouvir systématiquement les désirs de l’enfant, en revanche, reconnaître ses besoins, être en interaction avec lui,  lui permettra de devenir un adulte responsable, épanoui. L’enfant a le droit d’éprouver de la colère, l’émotion naturelle de la frustration. Aux parents de l’inciter à mettre des mots sur son vécu. 

Il faut faire la différence entre écouter une émotion avec empathie et donner satisfaction sur tout. Une certaine dose de frustration est structurante. Mais un enfant qui se voit refuser ce qu’il demande et qui ne peut par exprimer sa colère pour se réparer de cette frustration développera un sentiment d’impuissance.

Les émotions ont besoin d’être libérées sinon elles oppressent. Mais elles doivent être exprimées de manière respectueuse. On pourra aussi dire à l’enfant, par exemple, qu’il a le droit d’être frustré mais qu’on ne le laissera pas nous manquer de respect.

L’adulte impulsif, compulsif, violent, rageur a souvent été un enfant non cadré, qui n’a pas appris à gérer la frustration et qui n’a pas été aidé dans la compréhension de ses besoins. Il croit toujours que la réalité doit s’adapter à ses rêves. Il est donc dans l’immédiateté, dans les objectifs à courts termes. Impatient, il ne peut pas envisager l’avenir avec sérénité.

La frustration est fortement liée au désir

Elle est une réaction à un désir inassouvi. Et d’ailleurs, un désir assouvi n’est plus un désir. En psychanalyse, il est nécessaire de laisser  subsister  le désir pour qu’il y ait levée du refoulement, prise de conscience, élaboration et possibilité de changement. Pour Freud, la frustration est utile, à l’origine des plaisirs et du  désir. « C’est au travers de la frustration et de l’attente que naît un Objet extérieur d’où vient la gratification. Sans cette frustration et cette attente, il n’y a pas de limites entre le Moi et le non-Moi. » 

De la frustration à l’action

La frustration permet de « pointer du doigt » nos désirs, nos ombres, les barrières que nous nous imposons et donc de mieux nous découvrir. Elle se « travaille » en thérapie et émerge souvent dans le transfert. Les patients projettent leurs doutes et leurs exigences, remettent en cause le cadre, l’efficacité d’un accompagnement…

Elle peut être à l’origine des plus grandes réussites. De la frustration naît parfois l’action. Etre frustré face à une injustice peut vous motiver à  vous engager dans une action humanitaire. Etre frustré de ne pas connaître un sujet lors d’un dîner peut vous encourager à vous documenter. Etre frustré d’être fauché en tant qu’étudiant va vous pousser à trouver un job lucratif…  

Comment diminuer la frustration ?

  • Identifiez la croyance liée à votre frustration : je dois être parfait(e) dans tous les domaines ; je n’ai pas droit à l’erreur ; la vie doit être juste ; les événements doivent se passer comme je le souhaite ; les autres doivent toujours faire et dire ce à quoi je m’attends…
  • Changez votre vocabulaire. Remplacez « c’est inacceptable », « c’est l’enfer », c’est difficile » par « cela fait partie de ma vie ». Acceptez donc ! 
  • Focalisez-vous sur le processus d’une action, sur l’attente, le rêve, la créativité et le plaisir qu’ils engendrent, plus que sur la réalisation « parfaite ».
  • Identifiez le niveau de gravité réelle de l’évènement afin de le relativiser : quelles sont les conséquences sur votre vie immédiate? Quelles conséquences dans 20 ans ?  
  • Pouvez-vous agir concrètement sur la situation ?  Si oui, agissez, si non, il n’y a plus qu’à choisir de lâcher prise.